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voisins, chevauche pour le service du suzerain ou pour le service de Dieu. Combien de temps séjourne-t-il sur ses terres ? La femme reste et ne se contente pas de filer la quenouille au foyer. C’est elle qui assure la bonne administration du domaine, l’obéissance des vassaux, l’exact recouvrement des redevances. Elle ne fait en somme, et dans des circonstances analogues, que ce que firent, au cours de la grande guerre, la fermière et la femme du propriétaire terrien qui suppléèrent leur mari, cinq ans arraché au sol nourricier. Et comme, grâce à nos contemporaines, la vie économique de la France s’est maintenue, de même la châtelaine a, plus peut-être que le châtelain, guerrier éternel, contribué à la vie de la France féodale. Écoutons Christine de Pisan prescrire ses devoirs à la châtelaine. Elle devra, dit l’auteur de la Cité des Dames, connaître de toutes les redevances, « fiefs et arrière-fiefs, censives et champarts », en un mot être initiée à tous les détails de l’administration féodale. Ce n’est pas, évidemment, par dilettantisme, mais bien parce qu’elle seule, en l’absence de son mari, peut assurer la vie de son fief. Aussi voyons-nous la femme, par la grâce de cette terre qu’elle tient et qui la consacre souveraine, pourvue de toutes ces fonctions publiques qu’une antiquité fabuleuse lui a permises et qu’aux pays anglo-saxons ou Scandinaves le vingtième siècle lui ouvrira. Administrateurs d’un vaste territoire, des femmes promulguent des lois, octroient des chartes à leurs loyaux sujets, tiennent une cour plénière et reçoivent l’hommage de leurs vassaux ou, en grande pompe, se déplacent pour l’aller prêter à leur suzerain. Juges, elles président le plaid et for-