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L’irrésistible mouvement qui tend l’âme de la chrétienté vers le Saint Sépulcre ne connaît pas de différence de sexe, et le fleuve humain qui, torrentiel, court vers les lieux saints roule des femmes dans ses flots : des paysannes avec les serfs et les manants de Gottschalck et de Pierre l’Ermite, de grandes dames avec Godefroid de Bouillon, Louis VII, Barberousse et saint Louis. Aliénor d’Aquitaine, Marguerite de Provence accompagnent leurs maris, celle-ci à Antioche, celle-là à Damiette et, durant la débâcle qui suivit Mansourah, la femme du saint roi donna maintes preuves de sagesse et de courage. Un siècle et demi auparavant, Florine, fille du duc de Bourgogne, promise au prince de Danemark Suénon, s’était croisée avec son fiancé. Comme lui, elle avait revêtu l’armure écartelée de la croix rouge ; avec lui elle était tombée face aux Turcs, dans le désert d’Anatolie.

On vit une riche châtelaine donner sa fortune pour équiper un vaisseau, le garnir de cinq cents hommes et les conduire elle-même en Terre Sainte. Point même n’est besoin d’être une haute et puissante dame pour figurer avec honneur dans l’armée des Croisés. Écoutons la sœur d’un moine de Beauvais qui accompagna son frère à Jérusalem nous donner, tout naïvement, ses impressions de campagne : « Je remplis autant que possible les fonctions de soldat… quoique femme. J’avais l’air d’un guerrier. Je lançais des pierres avec la fronde et, remplie de crainte, j’apprenais à dissimuler ma faiblesse. Il faisait chaud, les combattants n’avaient point de repos ; je donnais à boire sur les murs aux soldats fatigués. »