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QUESTIONS DHÊLOlSE ET RÉPONSES D’ABÉLARD. 410

•ans défiance et sans mesure qu’on reçoit un conseil. Ce qui peut éga- lement être fait et non fait n’est pas présenté sous forme de précepte, mais simplement sous forme d’avis. C’est ainsi que Ton recommande en général de ne pas jurer, et qu’on prescrit de le faire en cas de néces- sité, par exemple, lorsque, pour la recherche de la vérité, il y a appel de té- moignage.

La forme de la permission est celle-ci : « Que chacun ait sa femme pour la satisfaction des besoins de la nature. » La forme de la prescription est celle-ci : « Vous êtes enchaîné i une femme, ne cherchez pas à rompre ces liens. » 11 y a simplement avis, quand on ajoute aussitôt : i Vous êtes hors des liens d’une femme ; ne cherchez pas femme. »

DIX-HUlTliMS QUESTION d’hÉLOÎSR.

Que signifient ces mots dans le même Êvangéliste : « Ne dites point avec inquiétude : que mangerons-nous ? » Et ailleurs : t Ne prenez pas inquiétude du lendemain ; demain s’inquiétera de lui-même ; à chaque jour suffit son tourment ?» Y a-t-il là quelque interdiction d’avoir la prévoyance de l’avenir ? Dieu ne prévient-il pas celui qui veut bâtir une tour de songer à la dépense ? Et l’Apôtre ne dit-il pas : c. Celui qui commande est dans le souci ; «comme il faisait lui-même quand il disait : « Mou inquiétude incessante, c’est l’avenir de toutes les églises ? »

Réponte dAbélard.

Le Seigneur dit que tout souci de l’avenir est superflu, en ce sens que pour préparer certaines choses, on en néglige quelquefois de plus néces- saires. Par exemple, omettre, pour préparer le repas du lendemain, de prier Dieu que son règne arrive, c’est faire que le péché, et non Dieu, règne en nous. Quand il parle des soucis du lendemain, c’est comme s’il disait : ne vous affligez pas de soins superflus pour l’avenir, avant que l’avenir vienne : quand il sera venu, il apportera par lui-même assez d’inquiétude à ceux qui n’ont pas confiance en Dieu pour le nécessaire et ne réfléchissent pas à ce mot du prophète : t Remettez-vous de vos inquiétudes au Sei- gneur, et il vous nourrira. » t À chaque jour suffit, etc. » Cela veut dire qu’à chaque moment de la vie suffit le tourment que nous apporte le soin superflu des choses de ce monde, lequel nous fait oublier le soin de l’éter- nité.

Quant à l’inquiétude du bien ou de ce qui touche à la vie éternelle, l’Apôtre l’appelle prévopnce, c’est-à-dire souci raisonnable de l’avenir ou pour l’avenir : c’est le cas où nous pourvoyons au temporel en vue de l’éternel, en sorte que l’un soit comme le viatique qui nous soutienne et nous mène à l’autre.