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QUESTIONS PHÉLOISE ET RÉPONSES D’ABELARD. 475

Ainsi, c’est au prochain dont je viens de parler» c’est-à-dire au Christ, que l’Apôtre fait allusion, quand, après avoir dit : • Celui qui aime son pro- chain accomplit la Loi, » il ajoute immédiatement comme confirmation : « Car tu ne forniqueras pas, tu ne tueras pas… » En effet, si le Juif le com- prend parmi ses prochains et l’aime, suivant le précepte : t Si quelqu’un m’aime, il accomplit ma Loi, » il ne commettra plus ni adultère, ni homi- cide, il évitera tous les autres péchés qui sont indiqués dans la Loi, et accom- plira tous ses préceptes.

DII-SBPTtèMB QUESTION d’hÉLOÏSE.

Que signifie ce que le Seigneur dit dans un passage suivant : « Tu ne ju- reras pas sur ta tète, car tu ne peux faire un seul cheveu blanc ou noir ; » comme si, dans le cas où il serait possible de le faire, il devait être permis de jurer ?

Réponse d’Abélard.

Il faut reprendre tout le passage afin de nous éclairer. « Je vous défends absolument, dit-il, de jurer ; par le ciel, parce que c’est le trône de Dieu ; par la terre, parce que c’est l’escabeau de ses pieds ; par Jérusalem, parce que c’est la cité du grand roi ; par ta tête, parce que tu ne peux faire un seul cheveu blanc ou noir. »

11 est donc quatre choses, le ciel, la terre, Jérusalem, notre tète, parlés- quelles il nous est interdit de jurer. Naturellement nous prenons à témoi- gnage les choses que nous considérons comme le plus dignes de respect, afin que notre parole obtienne plus de créance. Or, les choses qui paraissent le plus dignes de respect sont celles qui touchent à Dieu : tel le ciel, qu’on appelle le trône de Dieu, c’est-à-dire l’âme du Christ, le lieu où réside spé- cialement sa divinité, où il habite plus particulièrement par sa grâce. Telle la terre, qu’on appelle l’escabeau de Dieu, ou l’humanité du Christ, comme étant la patrie terrestre et inférieure du Christ. Telle Jérusalem, la cité de Dieu ou la sainte Église, dont le Christ est la tète. Tels [les cheveux attachés à la tète, comme ornement ou comme défense, qui figurent les divines pa- roles du Christ, notre honneur, notre salut. On dit les unes blanches, les autres noires, parce que l’intelligence des unes est claire et manifeste, celle des autres obscures, comme pour presque toutes les choses mises sous forme de parabole. Or, il ne nous est pas possible de rien faire de tel, ni blanc ni noir, comme il est dit. Les paroles de Dieu ne sont pas d’invention humaine, elles ne sont pas notre œuvre, mais l’œuvre de Dieu. Quand donc il est dit : < Tu ne jureras pas sur ta tête, parce que tu ne peux, » etc., c’est comme si l’on disait : tu ne dois pas invoquer à témoignage le Christ, parce qu’il n’appartient qu’à la sagesse divine de trouver les paroles dont les unes sont blanches, les autres noires. Pareillement, quand il est interdit