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QUESTIONS D’HÉLOÏSB ET RÉPONSES D’ABÉLARD. 445

future, dont les douceurs nous sont encore aujourd’hui inconnues, comme dans un sanctuaire du repos. C’est à lui que l’Orne damnée s’adresse, en le suppliant de la prendre en pitié. Abraham lui répond, conformément à la sentence prononcée, en lui faisant comprendre que ses désirs sont vains ci ne peuvent se réaliser. Voilà ce qu’il cherche à lui fa’rc comprendre, quand il dit : i Pour tout cela, une liaute montagne a été élevée entre nous et vous ; » pour tout cela, c’est-à-dire pour les deux choses qui ont été anté- rieurement énoncées, la consolation des justes et le supplice des méchants ; « une haute montagne a été élevée, » c’est-à-dire un obstacle insurmontable a été établi de toute éternité par la justice divine ; o afin que ceux qui le veu- lent ne puissent passer d’ici là. » Par passer du rafraîchissement des justes au supplice des méchants, nous entendons, soit l’idée de vouloir venir en aide aux damnés et leur apporter ce soulagement des justes, soit celle de les tirer de ce lieu de souffrance, comme font chaque jour les fidèles en ce monde, en cherchant par leurs prières et leurs aumônes à venir en aide à ceux qu’ils croient dans les peines du purgatoire, tandis qu’ils sont absolument con- damnés. Nous n’entendons donc pas seulement cette pitié pour les damnés, de la part de ceux qui sont dans le rafraîchissement, mais aussi de la part des fidèles de cette terre. Abraham ne dit pas en effet : ceux qui sont ici et qui veulent passer là, mais simplement : « Ceux qui veulent, » qu’ils soient vivants ou morts. Et nous, je le répète, nous entendons la chose des vivants qui sont dits figurément passer du rafraîchissement des justes dans le lieu du supplice des damnés, ou passer d’ici là : ce qui a le même sens. Car zc&t même chose, de passer du rafraîchissement des justes à l’enfer des damnés et de passer là. De même que compatira ceux qui sont condamnés et vouloir, par ses bonnes œuvres, leur obtenir ce rafraîchissement, ou les transporter en quelque sorte et les tirer d’où ils sont, c’est proprement même chose sous des formes différentes.

ONZIÈME QUESTION d’hÉLOÎSB.

Que signifient ces paroles du Seigneur dans le même Évangélistc : < Je vous le dis en vérité, il y aura plus de joie dans le ciel pour un pécheur repentant que pour quatre-vingt-dix justes qui n’ont pas besoin de se repen- tir ? » Ne vaut-il pas mieux, n’est-il pas plus près de la perfection d’éviter le péché que de s’en corriger après l’avoir commis ? La vertu de plusieurs n’est-elle pas préférable à celle d’un seul ? D’où vient que Dieu aime mieux celle-ci que celle-là ? Pourquoi apprécie-t-il le repentir d’un seul pécheur plus que la pureté sans tache de beaucoup de justes ?

Réponse dAbélard.

Plus on souffre du péché de quelqu’un, plus on se réjouit de le voir s’amender. Plus était vive la douleur de la faute, moins était grand l’es-