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QUESTIONS D’HÉLOlSE ET RÉPONSES D’ABÉLARD. 417

je vais à mon Père. Il les accusera au sujet du jugement, c’est-à-dire du péché dans lequel ils étaient précédemment plongés, et de cette justice au nom de laquelle ils approuvent ou’ condamnent les actes plutôt que les intentions, et estiment les mérites moins d’après la pensée que d’après les œuvres, à l’exemple des Juifs qui ne condamnent aucune résolution, quelle qu’elle soit, qui n’a pas été exécutée. Ce qui fait dire à l’Apôtre, dans son épitre aux Romains : « Israël, en suivant la loi de la justice, n’est pas arrivé à la loi de justice. » Pourquoi ? Parce que ses jugements ont pour base non la pensée, mais les œuvres. Par exemple, bien que la Loi interdise la concupiscence, ils ne considèrent pas que ce soit un péché suffisant pour mériter la damnation. C’est cette erreur dont le Seigneur veut avertir qu’elle sera condamnée, quand il dit qu’il a été jugé comme roi du monde. Le diable lui-même, le roi des hommes voués à la chair et attachés au monde, l’auteur et la source du péché, a été condamné et précipité dans les enfers, non à cause de ce qu’il a fait, mais à cause de ce qu’il a eu l’intention de faire.

DEUXIÈME QUESTION D’HÉLOÏSE.

Que signifie ce passage de l’épitre de saint Jacques : « Quiconque observe l’ensemble de la loi et la viole sur un seul point, est aussi coupable que s’il la violait tout entière. Car celui qui a dit : tu ne seras point adultère, a dit aussi : tu ne tueras point. Si donc tu ne commets point d’adultère, mais que tu tues, tu seras transgresseur de la loi ? »

Réponse d’Abélard.

La loi est l’ensemble de tous les commandements, et non l’un quelconque d’entre eux. Celui donc qui observe toute la loi, sauf en un point, est cou- pable comme s’il la violait tout entière, c’est-à-dire qu’il doit être condamné pour n’avoir pas observé tous les commandements, qui, je le répète, for- ment l’ensemble de la loi. En d’autres termes : bien qu’on n’accomplisse pas la loi pour en accomplir un seul commandement, on en devient le transgresseur, pour en transgresser un seul commandement. De là le déve- loppement donné par l’Apôtre à sa pensée. Il viole la loi tout entière, celui qui la transgresse sur un point, pour avoir manqué à un commandement qui lui était imposé comme tous les autres. Et quand il ajoute : celui qui a dit : tu ne commettras point d’adultère, ce n’est pas une confirmation de la prémisse : il viole la loi tout entière. Ce qu’il veut dire, c’est qu’en transgressant la loi sur un seul point, il s’est rendu coupable de la violer tout entière, c’est-à-dire qu’il doit être condamné pour avoir manqué de respect envers Dieu, en n’observant pas tous ses commandements. Dieu, en effet, qui a donné la loi, a prescrit tel commandement autant que tel autre, c’est-à-dire qu’il les a tous prescrits, et non un quelconque d’entre eux. On devient donc transgresseur de la loi, eu la transgressant sur un seul

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