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LETTRE D’ABÉLARD AUX VIERGES DU PARACLET. 505

enfance. Entretien, démarche, tenue, tout chez Eustochie est leçon de vertu. Qu’elle, soit élevée dans le sein de son aïeule qui a appris, par une longue expérience, à élever, à garder, à instruire les vierges. Anne ne re- couvra plus l’enfant qu’elle avait voué au Seigneur dans le tabernacle. Moi- même, si vous m’envoyez Pau le, je m’engage à lui servir de maître et de père nourricier. Je la porterai sur mes épaules ; de ma voix tremblante je dirigerai ses premiers balbutiements, et ma gloire sera bien plus grande que celle du philosophe du siècle. Ce n’est point le roi de Macédoine, des- tiné à périr du poison de Babylone ; c’est la servante, la fiancée du Christ, que j’instruirai pour la préparer à la céleste couronne. »

Considérez, mes très-chères sœurs en Jésus-Christ, mes compagnes, quel soin un si grand docteur de l’Église prend de l’éducation d’une enfant, quel scrupule dans le choix de ce qu’il considère comme nécessaire à son éduca- tion. Il commence à l’alphabet même. Non-seulement il indique une méthode pour l’épellation des syllabes, rassemblement des lettres, leur reproduc- tion par l’écriture, mais il s’occupe du choix des compagnes d’étude dont le succès doit piquer l’émulation de son élève. Voulant que le travail chez elle soit volontaire et non contraint, et que l’étude l’attache plus vivement à l’étude, il recommande de l’encourager par les caresses, les éloges et les petits présents. Il indique le choix des mots recueillis dans les saintes Écritures sur lesquels elle doit s’exercer à la prononciation, afin qu’ils se gravent dans sa mémoire, suivant le précepte du poète : « Le vase con- serve longtemps le parfum dont il a été une fois pénétré. »

Quel maître il faut choisir, il l’indique avec soin, et il n’omet pas de dire que, chaque jour, elle doit avoir à remplir une certaine tâche de lecture qui lui grave les lettres dans la mémoire. Et comme, à cette époque, l’usage des lettres grecques était en vogue à Rome, il ne veut pas qu’elle soit étrangère aux lettres grecques, surtout, j’imagine, à cause de la traduction des livres saints arrivés à nous par les Grecs, et aussi peut-être en vue de la connais- sance des belles-lettres, qui ne sont pas sans utilité pour ceux qui pré- tendent à la perfection du savoir. Mais il place auparavant l’étude de la langue latine : c’est par là qu’il veut que notre éducation commence. Par- venu au moment où l’enfant passe de la prononciation du mot à l’intelli- gence du sens et arrive à se rendre compte des sons qu’il émet, il choisit les divers livres, tant dans l’Ancien et le Nouveau Testament que dans les ouvrages des docteurs, dont l’étude peut être le plus profitable. Entre les saintes Écritures, il recommande les Évangiles, qui ne doivent jamais, selon lui, quitter les mains de la vierge ; il insiste plus sur la lecture de l’Évangile pour les diaconesses que pour les diacres, les uns n’ayant à le lire qu’à l’Église, les autres ne devant jamais cesser de le lire. Enfin, comme il s’adresse à une mère pour sa fille, allant au-devant des excases de