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Aussi l’Église romaine a-t-elle eu raison de prononcer récemment sur un tel crime une sentence si sévère, qu’elle juge à peine digne de la pénitence les femmes qui souillent, par un commerce impur, un corps consacré à Dieu. »

X. Que si nous voulons examiner quels soins, quelles attentions, quelle tendresse les saints Pères, sollicités par l’exemple du Seigneur et des Apôtres, ont toujours eus pour les femmes consacrées à Dieu, nous verrons qu’ils les ont soutenues, encouragées avec un zèle plein d’amour dans leurs pieuses résolutions, et qu’ils ont incessamment éclairé, échauffé leur foi par des instructions sans nombre et des encouragements multipliés. Sans parler des autres, il me suffira de citer les principaux docteurs de l’Église, Origène, Ambroise, Jérôme. Le premier, le plus grand philosophe des chrétiens, se voua avec tant de zèle à la direction des religieuses, qu’il alla jusqu’à se mutiler lui-même, au rapport de l'Histoire ecclésiastique, pour écarter tout soupçon qui aurait pu l’empêcher de les instruire ou de les exhorter. D’autre part, qui ne sait quelle moisson de divins ouvrages saint Jérôme a laissée en réponse aux demandes de Paule et d’Eustochie ? Il déclare lui-même que son sermon sur l’Assomption de la Mère du Seigneur a été composé à leur prière. « Je ne puis, dit-il, rien refuser à vos sollicitations, enchaîné que je suis par ma tendresse ; j’essaierai donc ce que vous voulez. » Nous savons cependant que plusieurs grands docteurs, aussi élevés par leur rang que par la dignité de leur vie, lui ont souvent écrit pour lui demander quelques lignes, sans pouvoir les obtenir. C’est ce qui fait dire à saint Augustin, dans son second livre des Rétractations : « J’ai adressé aussi au prêtre Jérôme, qui demeure à Bethléem, deux livres : l’un, sur l’origine de l’âme ; l’autre, sur cette pensée de l’apôtre Jacques : « Quiconque, observant d’ailleurs toute la loi, la viole sur un seul point, est coupable comme s’il l’avait violée tout entière. » Je voulais avoir son avis sur les deux ouvrages ; dans le premier, je me bornais à poser la question sans la résoudre ; dans le second, je ne cachais pas ma solution ; mais je désirais savoir s’il la trouvait bonne, et je lui demandais ce qu’il en pensait. Il a répondu qu’il approuvait les questions, mais qu’il n’avait pas le loisir d’y répondre. Je n’ai pas voulu faire paraître ces ouvrages tant qu’il a vécu, dans la pensée qu’un jour, peut-être, il me répondrait, et que je pourrais publier sa réponse en même temps. Ce n’est qu’après sa mort que je les ai publiés. » Voilà donc ce grand homme qui, pendant de longues années, attend de saint Jérôme quelques mots de réponse. Et nous avons vu que, sur la prière de ces pieuses femmes, saint Jérôme s’est épuisé soit à écrire de sa main, soit à dicter nombre d’ouvrages considérables, leur témoignant en cela plus de respect qu’à un évêque. S’il soutient leur vertu avec tant de zèle, s’il n’ose la contrister, n’est-ce pas par égard pour la fragilité de leur nature ?