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l’Évangéliste nomme sa maîtresse, par respect pour la sainteté de leur état. « Saluez, dit saint Paul écrivant aux Romains, saluez Rufus, qui est élu dans le Seigneur, et sa mère, qui est aussi la mienne. » Et Jean, dans sa seconde épître : « Le vieux Jean à sa maîtresse élue et à ses enfants… » etc. ; puis il ajoute plus bas, lui demandant son amitié : « Et maintenant, je vous demande, ô maîtresse ! que nous nous aimions l’un l’autre. »

C’est aussi avec l’appui de cette autorité que saint Jérôme, dans sa lettre à Eustochie, qui avait fait les mêmes vœux que vous, ne rougit pas de l’appeler maîtresse ; bien plus, il se croit obligé de le faire, et il en donne aussitôt la raison. « J’appelle Eustochie maîtresse, dit-il, parce que je dois appeler maîtresse l’épouse de notre Maître, etc. » Et plus bas, dans la même lettre, élevant l’excellence de ce saint état au-dessus de toutes les gloires de la terre : « Je ne veux pas de commerce avec les femmes du monde, dit-il ; je ne veux pas que vous fréquentiez les maisons des nobles, je ne veux pas que vous les voyiez, puisque, renonçant au monde, vous avez voulu être vierge. Si l’ambition des courtisans les pousse aux pieds de l’impératrice, pourquoi feriez-vous injure à votre époux ? Épouse de Dieu, pourquoi porteriez-vous vos hommages à l’épouse d’un homme ? Pénétrez-vous en ceci d’un saint orgueil : sachez que vous êtes au-dessus d’elle. »

Le même, écrivant à une vierge consacrée à Dieu, au sujet du bonheur réservé dans le ciel et sur la terre aux vierges consacrées à Dieu, dit : « Quel bonheur est réservé dans le ciel à la sainte virginité, indépendamment des témoignages de l’Écriture, l’Église, par ses usages, nous l’enseigne ; elle nous apprend qu’un mérite particulier est attaché aux consécrations spirituelles. En effet, bien que la multitude des croyants ait également droit aux dons de la grâce, et que tous se glorifient de participer aux mêmes sacrements, les vierges ont un privilège spécial, puisque, à cause des mérites de leur intention, elles sont choisies par le Saint-Esprit, dans le saint et pur troupeau de l’Église, comme des victimes et plus saintes et plus pures, pour être offertes par le grand-prêtre sur les autels de Dieu, » Et encore : « La virginité possède quelque chose que les autres n’ont pas, puisqu’elle obtient spécialement la grâce et jouit du privilège d’une consécration particulière, consécration telle, qu’à moins de danger de mort imminente, elle ne peut être célébrée à d’autres époques que l’Épiphanie, l’octave de Pâques et la fête des Apôtres, et qu’il n’appartient qu’au chef des prêtres, c’est-à-dire à l’évêque, de bénir les vierges ainsi que les voiles qui doivent couvrir leurs têtes sanctifiées. » Pour les moines, bien qu’ils appartiennent à la même profession, au même ordre, et qu’ils soient d’un sexe plus élevé, fussent-ils aussi purs, ils peuvent recevoir, chaque jour et des mains de leur abbé, la bénédiction pour eux-mêmes et pour leur habit, c’est-à-dire pour leur capuce ; les prêtres aussi et les clercs d’ordre secondaire peuvent être ordonnés aux Quatre-Temps, et les évêques, tous les dimanches ; mais la consé-