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nous n’acquerions d’autres manieres de sentir & de connoître par la force d’une autre institution proportionée à nôtre état.

Enfin j’avoüe qu’un homme qui demeure dans ce monde & qui perd les membres de son corps est à plaindre. Mais quand un homme est transporté dans un autre monde, qu’il voit une autre économie d’objets, que seroit-il de ces sens, qui ont du raport avec ce monde & qui n’en ont point avec son état. Le mal vient de ce que nous donnons trop au corps & trop peu à l’ame dans l’idée ordinaire, que nous avons de nous mêmes, au lieu qu’à suivre les idées distinctes de choses, nous ne saurions trop donner à l’esprit & trop peu à la matiere.

Et ici j’oseray hardiment avancer une maxime qui paroîtra un paradoxe assés extraordinaire ; c’est que quoy que selon l’idée confuse que nous avons de ces choses, la mort soit beaucoup plus capable de nous humilier que la vie, cependant selon l’idée distincte & dans la verité de la chose la vie est un objet plus humiliant que la mort.