Page:Abbadie - Douze ans de séjour dans la Haute-Éthiopie.djvu/87

Cette page a été validée par deux contributeurs.
 Les corrections sont expliquées en page de discussion
79
DANS LA HAUTE-ÉTHIOPIE

tard, m’étant initié à la langue, aux coutumes et aux traditions, je regrettai de ne m’être pas montré plus patient à l’égard de ces débris d’une famille de princes tombée, dit-on, d’une hauteur de 28 siècles. Mais avant de parler de cette famille impériale qui, chaque jour, comme une statue renversée de son piédestal, s’enlise davantage dans la poussière des temps, il convient de donner une idée de la base géographique sur laquelle, debout de générations en générations, elle a su, pendant que surgissaient et s’abîmaient tour à tour la plupart des dynasties souveraines du monde, diriger l’histoire de tant de peuples de l’Afrique orientale et de l’Arabie.

On s’est habitué, en Europe, à donner le nom d’Abyssinie à la portion indéfinie de l’Afrique orientale qui nous occupe, et sur laquelle, de toute antiquité, et même aujourd’hui, plane le nom primitif d’Éthiopie.

Les indigènes savent que les musulmans nomment leur pays el Habech, mais s’ils tolèrent ce nom dans la bouche des étrangers, c’est par courtoisie ou par pitié pour leur ignorance ; eux-mêmes, pour la plupart, ne connaissent pas l’étymologie du mot Habech, mais ils sentent qu’elle est injurieuse pour eux. En effet, Habech, en arabe, s’emploie pour qualifier un ramassis de familles d’origines diverses ou bien de généalogie inconnue ou altérée ; et parmi les races sémitiques, l’injure la plus mortifiante qu’on puisse faire à un homme ou à un peuple, est de dire qu’il ignore sa généalogie ou qu’elle est entachée de promiscuité, parce que, chez eux, les hommes de tous les rangs sont convaincus de l’existence d’une solidarité étroite non-seulement entre