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DANS LA HAUTE-ÉTHIOPIE

d’autant plus grande que l’appui d’un bâtiment de guerre français pouvait seul, aux yeux des indigènes, expliquer mon obstination à vouloir rester dans le pays.

À mesure que le bâtiment approchait, sa haute mâture couverte de toile jeta de l’indécision parmi les parlementeurs, qui bientôt levèrent la séance. Le Sultan remisa ses timbales dans sa maison et courut au bord de la mer, où toute la population était attentive. Il allait et venait de la maisonnette à la plage.

— Mon frère, me dit-il enfin, le corps du bâtiment domine déjà l’horizon : viens voir. Je l’accompagnai sur la plage. Là, il me confia que le rôle qu’on lui avait imposé lui pesait ; que grâce à la venue d’un bâtiment français, il allait reprendre son indépendance ; qu’il avait toujours eu de la sympathie pour moi, et pour me le prouver, il m’offrit de me donner sur l’heure une maison.

Je profitai de ce revirement ; j’envoyai prendre à bord le secrétaire de mon frère, et notre débarquement commença. Le vieux Saber, tout ragaillardi, pérorait au milieu d’un groupe. La maison qui me fut donnée se trouvant trop petite, le Sultan fit évacuer la maison voisine. Mon frère était encore souffrant, je le conduisis à notre nouvelle demeure et il y était à peine installé, notre dernier colis venait d’être mis en place, que le brick de guerre, arrivé à trois encablures de terre, fit ronfler la chaîne de son ancre, et comme jusque là il n’avait arboré qu’une flamme, il hissa son pavillon qu’il appuya d’un coup de canon. Le pavillon était aux couleurs britanniques.

La stupeur fut générale. Le Sultan dit en arabe :