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DOUZE ANS DE SÉJOUR

assistât à la délibération, mais il ne put le déterminer à redescendre à terre. J’allai voir Saber ; il m’apprit que ma conduite de la veille avait trouvé de chauds partisans, mais que mes adversaires avaient encore la majorité. J’écrivis quelques mots au crayon pour rassurer mon frère, et Saber se chargea de les lui faire remettre.

Vers neuf heures du matin, le Sultan traîna hors de sa maison deux vieilles timbales ; il s’accroupit et leur infligea énergiquement une batterie rapide : c’était, à ce qu’il paraît, la façon reçue de convoquer dans les grandes occasions le ban et l’arrière-ban de son parlement.

Quant à moi, je repris ma place d’observation à la lucarne de la maisonnette. Les habitants affluèrent en nombre plus que double de la veille et ils s’accroupirent en cercle. Le Sultan se leva pour ouvrir la séance par un petit discours qu’il prononça d’un air penaud. Les orateurs se succédaient, et j’en étais à souhaiter que les débats durassent assez longtemps pour émousser l’énergie de l’assemblée, lorsqu’un homme vint me dire qu’une voile paraissait à l’entrée de la baie, et qu’à sa grandeur on la croyait européenne. Il me demanda si quelque bâtiment de guerre français devait venir. Je lui répondis que je ne savais rien de certain à cet égard, mais, comme je l’avais dit la veille au Sultan, que l’on s’attendait à voir dans la mer Rouge une frégate française. Depuis quelque temps on disait en effet qu’une frégate française devait arriver dans ces parages, bruit qui s’est trouvé confirmé par l’apparition éventuelle de bâtiments détachés de la station française de la mer des Indes.

La façon évasive et sans arrière-pensée apparente dont j’en avais parlé donna à ce bruit une créance