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DANS LA HAUTE-ÉTHIOPIE

introduire inaperçu, et qu’ils n’avaient qu’à la visiter en tous sens.

Les soldats fouillèrent partout ; ils exigèrent même de pénétrer dans le harem interdit, et c’est à peine s’ils respectèrent les voiles des femmes. Attérés d’avoir humilié ainsi sans profit cet homme puissant, ils se jetèrent à ses pieds, baisèrent le pan de son caftan en lui demandant grâce, et ils se retirèrent pénétrés de sa générosité.

Marzawane dit alors au serpent :

— Sois sans crainte désormais. Sors ; tu gênes les battements de mon cœur.

Mais du fond de cette poitrine de juste, le serpent répondit :

— Il me faut une bouchée de ton cœur ou de ton poumon ; choisis. Je ne sortirai qu’à ce prix.

Et comme Marzawane lui reprochait son ingratitude :

— Homme naïf ! dit le maudit, puis-je contrevenir à ma nature ? serpent je suis, en serpent je dois agir. C’est encore beaucoup que je te donne le choix.

— Amen ! dit Marzawane ; tu auras le meilleur de ma chair. Accorde-moi seulement comme grâce dernière de me laisser disposer les choses de façon à donner à ma mort l’apparence d’un accident, afin qu’on ne dise point qu’après avoir accordé sa protection au nom d’Allah et du prophète, Marzawane mourut sous la dent de son protégé. Les hommes s’autoriseraient peut-être d’une telle fin pour refuser à l’avenir l’hospitalité.

Et Marzawane ordonna à un esclave d’étendre au pied d’un arbre son tapis de prières, d’approcher l’eau pour les ablutions préparatoires ; puis il alla regarder son dernier né, et, frissonnant à la pensée