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DANS LA HAUTE-ÉTHIOPIE

hommes. Nous nous assîmes en cercle sur l’herbe, et un des trafiquants, que je connaissais, me présenta cérémonieusement un moine lépreux, couvert de haillons, pour lequel tous témoignaient de grandes déférences : il ne marchait qu’avec peine ; sa figure était peu éprouvée, mais il avait perdu plusieurs doigts des mains et des pieds.

Après quelques moments de conversation générale, il demanda qu’on fît silence et il m’annonça que je pouvais retourner dans les États du Dedjadj Oubié, lequel venait de s’engager vis-à-vis de lui par serment, à oublier notre scène à Maïe-Tahalo et à me traiter désormais en ami. Le moine parut tout décontenancé, lorsqu’après l’avoir bien remercié de sa bienveillante intervention je lui dis que l’éloignement de mon frère m’empêchait, pour le moment, de retourner sur mes pas.

— À ta volonté, reprit-il, il suffit que la paix soit faite, et que tu puisses aller quand tu voudras vers les pays dont les sources t’appellent.

Bientôt il demanda à m’entretenir en particulier ; et les assistants étant allés s’asseoir à l’écart, ses manières devinrent plus familières. Oubié lui avait avoué, me dit-il, que lors de ma visite à Maïe-Tahalo, il buvait depuis le matin d’un hydromel très-capiteux, et que la vivacité de mes réponses avait achevé de le surexciter ; que, du reste, ma franchise ne lui déplaisait pas, et que si je voulais prendre du service chez lui, il saurait satisfaire mon ambition plus amplement que le Dedjadj Guoscho. Le moine me conseilla d’accepter de servir temporairement Oubié, les événements politiques ne tarderaient pas à me permettre, ajouta-t-il, de rejoindre honorablement le Dedjadj Guoscho. Il m’apprit que plusieurs religieux