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DANS LA HAUTE-ÉTHIOPIE

venais d’essuyer sembla me ramener dans une atmosphère plus légère.

Nous nous réfugiâmes dans la hutte d’un Européen absent momentanément du camp ; là, je pus mesurer à loisir toute la distance qui séparait mes rêves de la triste réalité qui pesait sur nous. Entre autres choses, le Prince m’avait dit : « Avise à ne jamais plus fouler la terre de mes États. Les Anglais et vous, vous êtes parqués sur des terres maudites et vous convoitez notre climat salubre : l’un ramasse nos plantes, un autre nos cailloux ; je ne sais ce que tu cherches, mais je ne veux pas que ce soit chez moi que tu le trouves ! »

Bientôt l’envoyé français vint s’installer dans la même hutte que nous, mais il ne put rien nous apprendre de ce qui s’était dit chez le Dedjazmatch après ma sortie, car il ne comprenait pas l’amarigna, et il n’avait pour interprète qu’une créature du Dedjazmatch.

Comme on se le rappelle sans doute, en quittant Adwa j’avais envoyé mon cheval et les bagages de mon frère par la route directe et relativement facile des caravanes allant à Gondar ; j’avais dit au serviteur à qui je les avais confiés de nous attendre à une étape de cette ville, et nous n’avions emmené avec nous que quelques hommes, porteurs des instruments astronomiques dont mon frère n’avait pas voulu se séparer. Ces gens s’esquivèrent, abandonnant leur paie plutôt que de suivre désormais des gens tombés dans une disgrâce comme la nôtre. Mes suivants, qui étaient des soldats, furent les seuls à ne pas déserter. Quelques-uns d’entre eux sont restés longtemps depuis à mon service, et en rappelant notre position chez Oubié, il n’est arrivé à aucun d’eux de faire allusion à leur fidélité dans ce moment difficile où j’étais à leur merci.

Le lendemain, vers dix heures du matin, notre com-