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DOUZE ANS DE SÉJOUR

plaine boisée qui s’étendait à nos pieds, nous crûmes apercevoir environ 800 fantassins précédés par des éclaireurs et marchant droit sur nous en soulevant la poussière. Birro se remit en selle, poussa vers l’ennemi, mais la rapidité de Dempto lui donna bientôt une avance telle, qu’il crut prudent d’attendre ses cavaliers. L’un d’eux, doué d’une meilleure vue que les autres, nous cria :

— Tout doux ! frères ; nous avons bien le temps ; laissons souffler nos chevaux ; les vaches doivent être à sec à cette heure, et ne redonnent de lait que dans la soirée.

Une folle hilarité s’empara de nous : le nuage de poussière n’était soulevé que par un beau troupeau de bestiaux. Pour compléter notre désappointement, les vachers, nous apprirent que Woldé Teklé avait décampé depuis longtemps.

Malgré ses qualités militaires incontestées, ce chef ne pouvait rien mener à effet ; brave, généreux, affable et instruit, il excitait partout des sympathies, mais sans profit pour sa cause. Élevé à la cour de son parent, le célèbre Dedjadj Maro, gouverneur du Dambya, de l’Agaw-Médir, du Metcha, du Kouara et de l’Armatcho, il devait naturellement hériter de sa puissance. Conefo, fils de sa propre sœur, qu’il avait dotée et mariée à un de ses vassaux, le supplanta par surprise. Woldé Teklé se maintint quelque temps en rébellion, mais après plusieurs combats malheureux, il tomba entre les mains de son neveu Conefo, qui, après l’avoir tenu captif plusieurs années, le lia à lui par serment, le remit en liberté et lui donna un fief important. À la mort de son frère, le Dedjadj Gabrou, Conefo sentit se réveiller des doutes sur la fidélité de son oncle ; les devins lui prédisaient à lui-