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DANS LA HAUTE-ÉTHIOPIE

parole s’offrit le premier au rasoir du bourreau, avec ce stoïcisme si commun parmi les Éthiopiens.

Seize malheureux subirent la mutilation, pendant qu’au milieu de ses familiers consternés, Birro cherchait, par des discours animés, à donner le change à son émotion. Je pus enfin l’interrompre et l’engager à gracier le reste des condamnés. Malheureusement pour eux, les assistants, malgré Tiksa-Méred qui leur faisait signe de s’abstenir, appuyèrent mes instances, et, à cette apparence de pression, Birro éclata :

— On ne les a donc pas tous ébranchés ? s’écria-t-il. Qu’on mande mes bûcherons pour abattre ceux qui restent à coup de hache ! Je ne pourrai donc pas venger le sang de mon parent et celui de mes soldats ?

Deux infortunés furent tués à coup de hache. On vint lui dire que tout était fini, et il sembla respirer plus à l’aise. Des soldats compatissants avaient fait évader une dizaine des condamnés. Birro l’apprit quelques jours après et dit :

« Tant mieux ! mais c’était mon devoir de faire un grand exemple. »

À partir de ces exécutions, ses soldats, même isolés, purent circuler avec sécurité dans toute la province.

Cependant, un prétendant nommé Woldé Teklé augmentait le nombre de ses troupes, et Birro s’en préoccupait. Sur le rapport de nos espions, nous partîmes de nuit avec près de 2,000 hommes pour le surprendre. Après environ quatre heures de marche, nous arrivâmes près de l’endroit désigné une soixantaine de cavaliers seulement et une quinzaine de fantassins, les meilleurs coureurs. Nous eûmes à peine mis pied à terre pour attendre nos gens, que, dans une