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DOUZE ANS DE SÉJOUR

ligne, prêtes à désaltérer et à secourir les blessés. Des amis s’entredisaient à distance : « Bonne journée et au revoir ! »

Quelques prêtres, une petite croix de bois à la main, allaient çà et là en marmottant des oraisons ; des cavaliers s’arrêtaient, et, sans quitter la selle, courbaient la tête, en disant :

« Père, absolvez-moi ! »

Une grosse servante demanda aussi l’absolution, et, voyant qu’on la donnait de préférence aux hommes, elle empoigna le prêtre par la toge et lui cria sous le nez :

« Mon père, gare à vous, je vous laisse tous mes péchés sur le dos ; je vais au combat, moi ! »

Plus loin, une bande de six ou sept cents rondeliers rejoignaient au pas de course ; ils posaient à terre boucliers et javelines, resserraient leurs ceintures et ceinturons, et, alestis pour le combat, repartaient pleins d’entrain, pour grossir le front de bataille, ayant en tête un coryphée chantant un refrain guerrier.

Un gros homme à pied s’en allait, effaré, demandant où était son cheval.

« Mais tu es dessus, bonhomme, lui répondait-on en riant : va, va, tu l’as bridé par la queue. »

Les goujats entassaient en monceaux les toges des combattants. Les pages étaient partout, criaillant, observant la contenance de chacun, et tâchant de surprendre quelque cheval ou quelque mule de selle, pour l’enfourcher et se porter, pendant le combat, partout où il se présenterait quelque bon coup à faire. Quelques-uns de ces enfants, la toge enroulée autour du bras gauche en guise de bouclier, et une petite javeline à la main, nus et gre-