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DOUZE ANS DE SÉJOUR

battaient la berloque, et hâteurs et dépeceurs s’évertuaient à préparer la viande d’une quinzaine de bœufs qu’on venait d’abattre. Les porteuses d’hydromel s’accroupirent au bas-bout de la tente, les panetiers vidèrent les paniers devant le Prince et les principaux convives, et l’aumônier ayant dit le Benedicite, ils rompirent le pain, plongèrent leurs mains dans les ragoûts fumants et les ayant fait goûter par les cuisinières, les répandirent devant les convives. Le Prince et les principaux assistants ayant fait une collation chez eux, ne mangèrent que du bout des dents et pour la forme. L’écuyer tranchant répartit dans l’assemblée ses serviteurs chargés de grosses pièces crues, et prenant lui-même à deux mains la bosse entière d’un bœuf-bison, il la présenta au Prince et après lui, aux convives les plus réputés pour leur bravoure. Ce morceau d’honneur achevé, les assistants, qui avec un couteau, qui avec son sabre, se taillèrent des lopins dans les aloyaux, longes et surlonges, cuissiers, culottes et filets palpitants qu’on leur présentait ; puis, on servit les carbonnades. Quelques retardataires s’acharnaient encore à dépouiller à belles dents des côtes de bœuf à demi noircies par le feu, lorsque le page présenta le bassin et l’aiguière au Prince, et ceux qui étaient près de lui le voilèrent respectueusement de leurs toges tandis qu’il se lavait. Pendant ce temps, l’échanson en chef, tenant haut le petit burillé (carafon) du Dedjazmatch, se frayait un passage ; il présenta la boisson en s’inclinant, et son maître, avant de la porter à ses lèvres, lui en versa un peu dans le creux de la main pour qu’il la goutât en sa présence. On offrit également un burilé d’hydromel à l’Azzage Fanta ; malgré sa dignité, la quatrième en