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DANS LA HAUTE-ÉTHIOPIE

dialectes distincts. Il est à croire que le petit peuple Bilène qui habite à l’Est, sur les bords de la mer Rouge, est encore un tronçon du peuple Agaw, car les traditions des Bilènes mentionnent leur expulsion de la haute Éthiopie, et mon frère, en étudiant le réseau de langues et dialectes si nombreux parlés en Éthiopie, a découvert que les Bilènes parlent aussi un dialecte de la langue hamtonga.

Pour mon compte, je ne connais que les Agaws de l’Agaw-Médir. On trouve parmi ceux-ci beaucoup d’hommes et de femmes dont l’expression du visage, les traits et les yeux, légèrement relevés vers les tempes, semblent dénoter une provenance étrangère aux races qui les avoisinent et vis-à-vis desquelles, du reste, ils vivent en état de défiance constante. Établis dans un pays fertile et verdoyant, un des plus boisés de l’Éthiopie, ils s’adonnent de préférence à l’élève des chevaux et des bestiaux, qui alimentent les marchés de l’Atchefer, du Dambya, du Kouara, de Gondar, du Fouogara, du Bégamdir, et jusqu’à ceux du Samen. Ils sont médiocres fantassins, mais très-bons cavaliers, et leurs habitudes sont plutôt pastorales qu’agricoles. Unis entre eux par le lien de leurs coutumes locales et celui d’une langue incomprise par leurs voisins, ils aiment passionnément leur pays, et leur insubordination à des chefs étrangers à leur race est notoire. Selon les remaniements politiques, leur province est annexée tantôt au gouvernement du Dambya, tantôt à celui du Damote, et fréquemment le titulaire est contraint de la réduire par les armes. Le Dedjadj Conefo dut faire contre eux plusieurs campagnes ; à force de cruautés, il obtint leur soumission ; mais, dès sa mort, ils refusèrent l’hommage à ses fils. Les Agaws, très-belliqueux dans leur