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DOUZE ANS DE SÉJOUR

feudataires étant dispersés dans leurs seigneuries, il n’y avait guère là plus de 10,000 hommes. Le camp était composé de plusieurs enclos circulaires et contigus formés par des huttes rondes et revêtues de chaume ; au milieu de chaque enclos composé de 60 à 400 huttes, s’élevaient de une à six tentes pour les chefs. Au centre d’un de ces enclos formé d’environ 200 huttes habitées par les gens de service, se trouvait l’établissement personnel du Dedjadj Oubié. Cet établissement consistait en trois tentes dressées de front ; sur leur droite un vaste hangar construit en ramée, et, derrière, deux huttes spacieuses. Les tentes lui servaient de chapelle, de salle d’audience et d’antichambre ; le hangar, de salle de festin ou de grande réception ; il passait la nuit dans une des huttes ; l’autre, un peu à l’écart, gardée par des eunuques, était réservée à ses femmes. L’enclos n’avait qu’une seule entrée, en face des tentes. On ne voyait aux abords du camp ni postes, ni sentinelles, ni aucun indice de ces précautions habituelles à la vie militaire d’Europe.

Malgré un bourdonnement continu qui s’élevait de tous les quartiers, on sentait que la vie du camp était concentrée devant les tentes du prince, où plusieurs groupes de notables s’entretenaient d’un air circonspect. Un huissier, les épaules nues et une verge à la main, se tenait debout à la porte du hangar, ce qui dénotait que le prince s’y trouvait.

Je voulus entrer, mais l’huissier me barra le passage, en m’appuyant à deux mains sa verge sur la poitrine. Je le repoussai brutalement et il alla tomber contre un des poteaux de la porte. Mon interprète s’enfuit effaré, et tous les yeux se portèrent sur moi, pendant que l’huissier entrait en gesticulant chez le prince. Je compris, à l’ébahissement