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DANS LA HAUTE-ÉTHIOPIE

serviteurs, ce qui le rendait odieux aux chrétiens de cette province, de la part desquels le Ras craignait quelque résolution désespérée. Ces derniers l’engageaient à faire venir un Aboune, à monter à cheval et à marcher à leur tête contre le Dedjadj Oubié, le Dedjadj Guoscho ou tout autre qui refuserait de reconnaître sa suzeraineté ; mais il n’osait s’en remettre à eux, de peur de s’aliéner ses parents musulmans. Sa mère lui causait aussi de grands embarras ; selon qu’il inclinait vers le parti des chrétiens ou celui des musulmans, elle se rapprochait du parti contraire, rappelant à ceux-ci que son père et sa mère étaient morts musulmans, et à ceux-là les services qu’elle n’avait cessé de leur rendre.

À la mort du Dedjadj Conefo, selon l’usage, les notables et la famille de ce Polémarque ayant fait asseoir sur son alga l’aîné de ses deux fils, le Lidj Ilma, âgé de dix-huit à dix-neuf ans, avaient envoyé immédiatement au Ras Ali le bouclier, le sabre et le cheval de bataille du défunt, demandant pour le Lidj Ilma l’investiture du gouvernement paternel, ou tout au moins l’exercice du droit de déport[1] pour lui, son frère, le Lidj Moukouennen et leurs sœurs.

Le Ras Ali avait gardé le bouclier de Conefo, sans

  1. Ce droit consiste pour les enfants d’un fivatier à exercer durant un an l’autorité de leur père défunt. À tous les degrés de la hiérarchie, il est d’usage d’accorder ce droit aux héritiers d’un serviteur, tant pour reconnaître ses bons services, que pour mettre à l’épreuve les capacités de ses héritiers à lui succéder dans sa charge, et leur permettre en tous cas de faire des provisions pour l’avenir ; car il est rare que les seigneurs même laissent un héritage en rapport avec leur position, à cause de leur habitude de tout partager avec leurs soldats. Tel Dedjazmatch n’a même pas laissé de quoi subvenir aux frais de son festin funéraire.