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DOUZE ANS DE SÉJOUR

tiles au Fit-worari. La soirée se passa ainsi. Vers minuit, Birro fit discrètement rassembler ses cavaliers à une petite distance de Dabra Tabor, et il partit avec eux pour son gouvernement. Ce départ furtif constituait une rébellion. Le Ras se plaignit ouvertement de la partialité de sa mère et la rendit responsable du mépris de son autorité, quoiqu’elle eût, pour dissimuler sa complicité, refusé à Birro de lui laisser emmener sa femme. Le Ras fit garder celle-ci par ses eunuques, afin de prévenir au moins sa fuite.

Birro arriva en Gojam lorsque nous y rentrions, de retour de notre campagne contre les Gallas.

Il envoya en présent au Ras deux beaux chevaux. Il chercha à pallier la brusquerie de son départ en faisant représenter à son suzerain combien il avait été découragé par la brutalité inouïe dont il avait été publiquement victime de la part des huissiers, et il appuya sur ce que, en toute occurrence, sa vive affection pour la Waïzoro Oubdar ferait toujours de lui le plus dévoué de ses vassaux. En même temps, il suppliait sa belle-mère d’obtenir que sa femme lui fût envoyée, et il mandait à celle-ci de manifester énergiquement la douleur qu’elle ressentait de leur séparation.

La Waïzoro Oubdar obéit sincèrement ; elle passa quelques jours dans les larmes ; ses nombreuses suivantes se faisaient remarquer par la négligence de leur costume et le désordre de leur coiffure, et comme le Ras se montrait inflexible, elle se fit raser la chevelure et la lui envoya en signe de deuil. Il lui fit dire : « Puisque tu tiens tant à ce mari, que tu as enivré de l’honneur de notre alliance, laisse-lui du moins le temps de reprendre sa raison. »