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DANS LA HAUTE-ÉTHIOPIE

route, comptait enlever le Lidj Dori, afin de traiter plus avantageusement avec son suzerain.

L’idée d’avoir le spectacle d’un combat ne m’étant pas trop désagréable, je recommandai de me réveiller avant le boute-selle. Mais quand je rouvris les yeux, il faisait grand jour, et tout était calme. On me dit qu’Ymer-Goualou, chef de notre escorte, avait décidé de laisser le jeune Prince dans l’asile, pour le soustraire aux chances du combat, et que, pour ne point encourir à mon sujet les reproches du Dedjadj Guoscho, il avait enjoint à mon drogman, peu soucieux, du reste, de tenter l’aventure, de me cacher le moment du départ. Bien que flatté de l’importance qu’on attachait à ma conservation, je regrettai d’avoir dormi si consciencieusement. Nos gens étaient partis sans bruit avant le chant du coq, et l’on commençait à s’inquiéter sur leur sort.

Enfin, vers onze heures du matin, un cavalier, hors d’haleine, vint nous annoncer la victoire. Ymer-Goualou s’était personnellement distingué ; nos gens avaient peu souffert ; après un combat de peu de durée, Aceni était parvenu à se dégager et à opérer sa retraite, laissant aux mains des nôtres environ quatre cents prisonniers.

Pour célébrer dignement ce succès, les habitants, qui la veille criaient famine, surent trouver comestibles, bouza et hydromel à profusion.

Des cavaliers arrivèrent successivement : leurs javelines tortuées ; leurs arçons garnis de ceintures, de pèlerines et de boucliers attestaient leurs exploits ; quelques-uns avaient appendu au frontal de leurs chevaux d’affreuses dépouilles humaines.

Les Éthiopiens, très-humains à la guerre, ont cependant l’habitude de pratiquer l’éviration sur