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DOUZE ANS DE SÉJOUR

leur que comme signe manifeste du salut que je t’envoie. Viens au plus tôt ; je saurai combler tes souhaits. Tu trouveras dans mon royaume le meilleur blé de l’Éthiopie, les meilleurs chevaux et des hommes de bonne souche, braves à la guerre, sages au conseil et disposés à traiter en frère l’ami de leur maître. »

Mon drogman répondit selon l’usage :

— Que Dieu continue le bonheur à votre maître !

Et après un repas copieusement arrosé d’hydromel, ils se retirèrent.

Quelques jours après, ils m’annoncèrent que, leurs affaires étant terminées, ils attendaient que je me misse en route avec eux. Je leur dis que, pour le moment, mes projets m’entraînaient ailleurs, et que je remettais à un autre temps l’honneur de saluer en personne leur prince ; qu’en ma qualité de voyageur, je devais me restreindre le plus possible ; qu’une mule et une esclave me deviendraient un surcroît ; que je les leur rendais, mais que je gardais précieusement ma reconnaissance pour leur maître et que je les priais de lui faire agréer ma réponse, n’ayant rien désormais à redouter plus que d’encourir le déplaisir d’un si puissant prince.

En me quittant, ils m’assurèrent que Sahala Sillassé finirait bien par m’attirer en Chawa.

Cependant, je me lassais de mon inaction forcée. Le printemps s’écoulait, et la caravane pour l’Innarya, à laquelle je comptais me joindre, remettait indéfiniment son départ, à cause de certaines rumeurs inquiétantes : le pays se préoccupait de moins en moins, il est vrai, des dangers d’une invasion de troupes égyptiennes, mais quelques princes semblaient se préparer à la guerre.