Page:Abbadie - Douze ans de séjour dans la Haute-Éthiopie.djvu/149

Cette page a été validée par deux contributeurs.
141
DANS LA HAUTE-ÉTHIOPIE

tions. Comme me l’ont souvent répété les indigènes, on se serait rallié autour de lui, et les princes, les Dedjazmatchs et tous les aventuriers militaires, qui s’entrebattaient pour le pouvoir, auraient été réduits au silence. Plus d’une fois les hommes d’une commune se sont rendus, la nuit, en troupe, au camp de l’Empereur, et là, faisant entendre le cri d’usage, sinistre et suppliant, qui annonce que des opprimés réclament justice, ils interrompaient le sommeil de l’Atsé et lui disaient : — Ô notre père, que Dieu prolonge tes jours, et que nos conseils ne t’attristent pas, car nous te sommes soumis. N’aie pas peur : le Roi de tes ancêtres sera avec toi. Ne t’a-t-il pas revêtu de notre pays comme d’un vêtement de force ? Sois rassuré et dis seulement : « Je vous rends les constitutions de vos ancêtres ; » et pour les faire revivre, tes peuples se dresseront comme une forêt sans fin, où disparaîtront tous les voleurs de pouvoirs, ces vautours !

Et ces conseillers dévoués disparaissaient avant le jour.

Mais Tekla Guiorguis n’osa pas, et une dernière coalition le précipita du trône.

Comme beaucoup de ceux qui, à quelque degré qu’ils se trouvent de la hiérarchie sociale, ont eu à porter le poids de la chute de leur famille, l’Atsé Tekla Guiorguis, que les indigènes regardent comme leur dernier Empereur, avait quelques-unes de ces vertus maîtresses nécessaires à un bon souverain.

— Dieu, ajoutent-ils, le choisit comme victime, pour qu’on ne pût douter qu’il punissait en lui ses coupables prédécesseurs.

Cependant, il répugnait à la nation de se frac-