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Agnès. — Elle se portait pourtant bien hier.

Angélique. — Assurément. Le mal ne lui est arrivé que cette nuit, et il faut que tu aies dormi d’un profond sommeil, pour ne t’être pas aperçue comme par ses cris elle a mis tout le dortoir en alarme. J’avais dessein de m’en divertir avec toi quand je t’ai été trouver ce matin, mais insensiblement notre conversation nous en a éloignées.

Agnès. — Il est vrai que je n’apprends les nouvelles que quand elles sont publiques.

Angélique. — Tu sais que madame fait un de ses principaux plaisirs de nourrir toutes sortes d’animaux, et qu’elle ne se contente pas d’avoir une infinité d’oiseaux de toutes sortes de pays, qu’elle a encore rendu domestiques jusqu’à des tortues et des poissons. Comme elle ne se cache point de cette folie, et que tous ses amis savent qu’elle appelle cette occupation le charme de la solitude. Ils s’efforcent tous à contribuer à bon divertissement, en lui faisant présent tantôt d’une bête, tantôt d’une autre. L’abbé de Saint-Valery ayant appris qu’elle avait même rendu, comme on lui avait mandé, des carpes et des brochets familiers, il lui envoya, il y a quatre jours, deux macreuses en vie et deux grosses écrevisses de mer, pareillement vivantes. Après avoir fait couper les ailes à ces demi-canards, elle les fit jeter dans le vivier, et voulut donner toute son application à élever les écrevisses. Pour cette raison elle fit apporter dans sa chambre une petite cuvette de