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sur l’estime et la réputation, il est impossible à un homme d’honneur d’y rester après qu’il a perdu par quelque accident, dans l’esprit de ses confrères, ces deux choses qui flattent si agréablement l’ambition des hommes. Le Père de Raucourt se voyant donc déchu, par le malheur que tu sais, de ce degré de gloire qu’il s’était acquis par ses mérites, et où il s’était toujours conservé par sa prudence, fit peu de cas de l’indulgence que ses supérieurs lui offraient, et ne pensa plus qu’à les abandonner : ce qu’il a fait depuis quelque temps, et il est retiré en Angleterre.

Agnès. — Mais que peut faire dans un pays étranger un homme qui n’a point d’autres biens que la science et qui n’a que la philosophie pour partage ?

Angélique. — Ce qu’il peut faire ? il peut par son esprit se rendre plus utile à la république, si elle le veut employer, que tous les artisans qui la composent. Il peut par ses écrits donner de la vigueur aux lois les plus opposées à l’inclination du peuple. Il peut porter la gloire d’une nation dans les lieux les plus éloignés. Enfin, il est peu d’emplois qu’il ne puisse dignement remplir, et dont l’État ne puisse tirer de grands fruits. Comme ce que je dis n’est pas hors de raison, il n’est pas aussi sans exemple, et j’ai appris d’un dominicain qu’un mécontent de leur ordre était à la cour de ce royaume où de Raucourt s’est retiré, et qu’il y faisait très belle figure en qualité de résident ou d’envoyé d’un prince d’Allemagne.