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lui avait été donné. Elle fit parer une table, dans une chambre, d’un drap mortuaire ; elle fit mettre au milieu un calice de la sacristie. Cela étant ainsi disposé, elle commanda à toutes ses filles d’entrer l’une après l’autre dans ce lieu, et de toucher avec la main le pied du vase sacré (c’est ainsi qu’elle parlait) qui était exposé sur la table ; que par ce moyen elle connaîtrait celle qui s’était jusques-là tenue cachée, parce qu’elle n’aurait pas plus tôt mis les doigts sur cette coupe sacrée, que la table tomberait par terre, et découvrirait, par une vertu secrète d’en haut, celle qui serait la coupable. Cela se fit sur les neuf heures du soir, et dans l’obscurité. Elles entrèrent donc toutes dans cette chambre et touchèrent le pied du calice avec la main. Scolastique fut l’unique qui n’osa le faire, de crainte d’être décelée, et toucha seulement le tapis. Après quoi elle se retira avec les autres dans une seconde chambre qui était aussi sans lumière, d’où l’abbesse les fit venir à elle l’une après l’autre quand toute la cérémonie fut faite. Or il est à remarquer qu’elle avait noirci le pied du calice avec de l’huile et du noir de fumée, tellement qu’il était impossible d’y toucher sans en porter les marques. Ayant donc allumé une chandelle dans la chambre où elle était, elle considéra les mains de toutes ces religieuses et reconnut que toutes avaient touché la coupe, excepté Scolastique, qui n’avait aucune noirceur aux doigts, comme les autres de la communauté. Cela lui fit juger que