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la plus pressante nécessité, et comme si je n’avais pas de quoi m’en passer par la prévoyance que j’ai eue de faire ma bourse aux dépens de mon aînée. C’est une histoire que je te raconterai en temps et lieu. Du reste, je donne les mains à tout ce que tu voudras, trop heureuse d’être pour toujours ta compagne inséparable. Il me tarde déjà de me voir avec toi hors du maudit étui où nous sommes, et de respirer l’air du grand monde, après avoir si longtemps gobé à regret celui d’une triste et ennuyeuse solitude. Adieu par avance, grilles, parloirs, sœurs, mères ! Puissé-je bientôt vous savoir à cent lieues de nous, avec toutes vos superstitions, vos grimaces, vos austérités et vos prétendus mérites ! Je n’envierai désormais ni vos voiles, ni vos guimpes, ni vos jeûnes, ni vos mortifications de la chair, qui le plus souvent ne servent qu’à la faire révolter encore davantage contre l’esprit, et qu’à lui causer de plus insurmontables tentations ; car quand elle est une fois bien échauffée par l’usage violent des disciplines, des haires, des cilices, des veilles et des autres pénitences qui se pratiquent parmi vous, c’est alors qu’il s’excite en elle, par les effervescences du sang, de terribles assauts et d’étranges rébellions. Ces remèdes sont d’ordinaire pires que le mal, puisqu’ils contribuent à l’irriter. J’en ai fait plus d’une épreuve tant que j’ai été, comme vous, dans l’erreur ou dans l’égarement. Pauvres victimes de l’avarice ou de la dureté de vos parents et de votre propre