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des pays étrangers où nous serons sans bien et sans ressource ; que, lorsque la cuisine est froide, l’amour se trouve logé sur le quai de Morfondus ; que notre désertion va causer des mortels déplaisirs à nos parents, et qu’enfin si tant est que nous ne mourions pas de faim en pays de liberté, nous n’y trouverons pourtant pas les aises et les commodités de la vie.

À cela je réponds que tu ne te mettes en peine de rien, parce que j’ai pourvu à tout, et qu’au pis aller, quand nous serions découvertes, on ne saurait nous faire religieuses malgré nous. Mais nos parents nous déshériteront ! Qu’importe. Voici, à bon compte, cent louis dont je te fais présent comme à la meilleure amie que j’aie au monde. D’ailleurs, ton galant n’est pas avec rien et sait où prendre quelque chose. Pour moi, j’ai de quoi me faire un honnête établissement par la bonté d’une tante qui est fort riche, qui n’a point d’enfants, qui m’aime comme ses yeux, qui n’a jamais consenti à mon immolation, et qui consent à ma fuite, en me donnant pour femme au fils d’une riche veuve, son intime amie. Voilé, ce me semble, les plus grandes difficultés levées ; car quant au chagrin de ceux qui nous ont sacrifiées, ce doit être un triomphe pour nous.

Séraphique. — Ma trop généreuse amie, je trouve toutes tes raisons si bonnes que je crois n’avoir pas besoin de tes libéralités. Je t’en remercie donc comme si je les avais reçues dans