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pêcher de t’interrompre, quelque envie que j’aie d’apprendre le reste de cette aventure. Achève donc, ma chère Angélique. Dis-moi comment on a pu découvrir que Marine était un garçon déguisé en fille, puisque toutes les religieuses avaient un égal intérêt à cacher la chose.

Angélique. — Il est vrai, ma chère Agnès, qu’une fille de cette espèce était un trésor pour un couvent comme le nôtre. Mais le moyen qu’un trésor si précieux fût possédé par tant de religieuses à la fois, sans que l’envie et la discorde s’en mêlassent ? Il n’est point de sœur qui ne voulût toujours donner de l’occupation à Marine quand elles surent de quoi elle était capable. Pasithée, qui était la première en possession, le voulait posséder uniquement. Elle disait que les autres ne pouvaient pas lui disputer un bien qui lui appartenait de plein droit ; que c’était pour l’amour d’elle que Marine s’exposait tous les jours à un danger manifeste ; qu’elle seule possédant son cœur, personne n’avait droit sur son corps, et que c’était bien assez qu’elles profitassent de ses restes. Les autres sœurs ne se payaient pas de toutes ces raisons. Tu sais que quand on a faim, et qu’on voit une bonne viande, on ne peut pas souffrir qu’on nous taille les morceaux et qu’on nous serve quelques méchants restes, car tu peux bien croire que, quand ce chevalier Marin avait passé par les mains de Pasithée, ses forces étaient déjà épuisées et cela n’accommodait point les sœurs professes,