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quel point cette nouvelle m’affligea, aussi bien que notre servante. Elle s’en alla à son affaire, et moi je méditai les moyens de réparer une si grande perte, car l’on me disait qu’il courait grand risque de mourir, vu que sa fièvre était violente, et cela arriva ainsi.

Agnès. — Te voilà donc privée de don Gracio ?

Angélique. — Oui, mais tu sauras que j’en ai recouvré un autre. Un jour de fête, allant rendre visite à madame l’abbesse de Flori, je vis arriver en cette ville Samuel, qui avait la mine d’être fort las : l’ayant aperçu, je le suivis et le vis entrer dans la même chambre où il logea il y a un an ou deux. Aussitôt qu’il fut entré, il ne fit que pousser la porte, sans la fermer, et se mit sur le lit ; ce qui me fit dire en moi-même : Hélas ! le pauvre garçon, il est sans femme, aussi bien que moi qui suis sans don Gracio. Je vois bien qu’il a envie de se servir de ce que le ciel lui a donné. Quoi ! disais-je, et que ne vais-je à lui ! S’il a besoin de quelque chose, pourquoi ne le contenterais-je pas ? C’est ainsi que je disais en moi-même. Aussi bien il n’y a personne auprès de lui.

Agnès. — Est-ce une personne d’un jeune âge et bien faite de corps ?

Angélique. — Samuel a environ vingt à vingt et un ans, et est d’une stature ordinaire. Il a les cheveux couleur d’or, les yeux fort amoureux, le visage très beau, et de fort belles jambes. Après avoir considéré tout cela au travers de la porte, et