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vint le messager de deuil qui lui dit « Messire Aubry est mort ! »

Mort, l’épée à la main, comme un noble homme, avec un coup de lance à travers la poitrine.

Oh c’est que ç’avait été une belle, une fidèle tendresse entre Aubry et Reine, depuis les jours de leur enfance une de ces tendresses que le danger relève et qui grandissent devant l’idée de la mort.

Reine se souvenait ici. Une nuit Aubry, prisonnier, était dans la cage de granit, sous les fondements du couvent de Saint-Michel ; Reine vint, maigre la mer et les sentinelles, pour lui tendre la lime qui devait couper ses chaînes, et le bout de ses doigts à baiser.

Que de souffrances, mais que d’espoirs souffrances guéries, espoirs couronnés par la bénédiction du mariage…

Et l’enfant que la bonté de Dieu leur avait donné plus tard, autour de son berceau que de larmes douccs et que de chers sourires ! Il avait les grands yeux de Reine et les beaux cheveux d’Aubry. C’était le fils de l’amour chrétien ; c’était l’héritier ; c’était le trésor !

Reine venait ici parler du cher enfant à la tombe de l’époux tant pleuré.

Hugues de Maurever, lui, le père de Reine, était mort dans son lit, le crucifix sur la bouche. En mourant, il avait dit : « Dieu sauve la Bretagne »

Et parmi les amertumes de son agonie, le voile de l’avenir s’était soulevé. Il avait pleuré d’avance la Bretagne morte, lui, le vieux Breton, à l’heure de mourir.

Reine était agenouillée sur le coussin entre les deux dalles. Le temps s’écoulait ; l’église restait déserte. Reine priait et songeait tour à tour…

Au dehors, parmi les tombes vassales du cimetière, il y avait une croix de granit noir de Fréhel. Sur la croix on lisait :

Priez pour Simonnette Le Priol, femme de Jeannin, écuyer.

Et des fleurs, et une couronne toute fraîche, pieux ouvrage