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Qu’a n’a pourtant point commencé ! fit observer Mathurin, mari de la préopinante.

— Tu vas la soutenir, est-ce pas vrai, bonhomme ? demanda-t-elle avec menace.

— Tu m’en empêcherais-ti, la bonne femme ?

On avait vu des querelles, entamées moins vivement, aboutir d’affreux combats entre Baucis-Goten et Philémon Mathurin. Heureusement que le paysan breton est tenace de sa nature et ne se laisse pas distraire volontiers de l’objet qui occupe sa pensée. Personne n’avait envie de voir les deux époux se livrer bataille. On voulait savoir.

Qui Qui l’a vu ? Voilà quelle était la grande question.

Car il s’ágissait d’un être étrange et terrible, de l’Homme de Fer, du comte Otto Béringhem, le tueur d’enfants, l’ogre à la barbe bleue, le mécréant, etc. Tous ces noms étaient à lui.

— Allons ! allons ! vieille Goton, dit Pelo le bouvier ; allons ! Mathurin sans dents, la paix !

Suivant l’usage éternel, Mathurin et Goton allaient s’unir pour tomber à bras raceourcis sur le médiateur, lorswuqe la petite Jouanne, que sa langue démangeait depuis une heure, remit sur le tapis la question brûlante.

— Y en a plus d’un qui l’a vu, dit-elle, sans compter Yvon, le pâtour du Presbytère.

— Yvon l’a vu ! s’écrièrent à la fois cinq ou six voix.

Et personne ne s’occupa plus du vieux couple batailleur.

Jouanne rougit d’orgueil et de plaisir devant l’attention excitée par elle.

— Oui ! oui ! répondit-elle ; je ne suis pas pour m’épouser avec Yvon, mais dame ! on se rencontre par les chemins ; il a ses brebis, j’ai mes oies.

— Mais l’ogre ! l’ogre !

— On y vient… Y a donc qu’Yvon m’a trouvée hier au carrefour de la Croix-Marion, et comme je lui disais : « Bonjour a vous, Vonic, et chez vous ? » j’ai vu qu’il était blanc comme un linge. « Quoi donc vous avez, Vonic ? » j’ai fait. Il m’a