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foudre. Son vol, plus rapide que la pensée, laissa derrière soi le Harz, et, se dirigeant au sud-est, franchit la Bohême, les monts Carpathes, tout blancs de neige, la Hongrie et le pays des infidèles. La mer Noire était sous ses pieds. Des nuages où il était, il se laissa tomber dans les flots, qui s’ouvrirent comme pour la chute d’une montagne.

… Au fond de la mer Noire il est une voûte immense, bâtie de jais et de porphyre sombre. Cette voûte descend, spirale mystérieuse et infinie, jusqu’à ce lac de feu qui est le noyau de la terre et qui est l’enfer. L’eau de ce lac, c’est l’or vif en fusion. Par d’étroits canaux, cet or monte et s’infiltre ça et là jusqu’à l’écorse du globe. Ce sont les mines.

L’enfer est d or.

Et tout l’or vient d’enfer.

Satan posa le comte Otto sur la rive ardente du lac et lui dit

— Es-tu content ?

Les yeux du comte battaient, éblouis. Cependant il répliqua

— Non, je ne suis pas content.

— Pourquoi ? demanda le père du mal.

— Parce qu’il n’y a pas assez d’or.

Satan regarda le comte avec admiration.

Ma fille m’avait bien dit que tu valais treize réprouvés, à toi seul s’écria-t-il ; ce lac est vaste, pourtant !…

— Il a des bornes.

— Tout a des bornes.

— Mon désir n’en a pas !

Satan battit des mains. Puis il demanda encore au comte Otto

— Que veux-tu ?

— Tout a des bornes, répondit le comte, excepté la passion de l’homme. Je veux que ma passion soit la mesure de mon opulence.

— Alors, tu veux faire toi-meme de l’or ?

— Je le veux.

Satan réfléchit longtemps.

— J’ai promis à ma fille de faire tout ce que tu voudrais, dit-il