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s’endormit auprès de l’Homme de Fer et ne s’éveilla plus. La nuit suivante, le comte Otto coiffa son casque et sortit de sa retraite tout seul. Il allait avoir seize ans.

Entre les deux plus hautes montagnes du Harz, le Hund et la Ziége, se creuse cette fente prodigieuse que les bûcherons appellent Teufelgau, la vallée du Diable.

Le comte Otto y vint à minuit, avec une fiole et un livre. Il avait fiché son épée dans le tronc du dernier arbre de la forêt. Il ouvrit son livre : un voile sanglant cacha la lune.

Il versa sur la terre trois gouttes de la liqueur contenue dans la fiole la terre trembla.

Le margrave Cornélius, son père, mort, passa devant lui sur un cheval dont les crins flamboyaient.

— Salut ! monseigneur, cria le comte, vous êtes vengé !

Puis il ajoute :

— Monseigneur, je vous prie, est-il un paradis et un enfer ?

Le margrave était loin déjà ; cependant le comte Otto l’entendit qui répondait.

— Il est un enfer !

— C’est bien, dit-il ; alors Satan existe : je veux le voir.

Il appela Satan par trois fois dans la nuit silencieuse et profonde. Les tombes du cimetière d’Arau, qui est au versant de la montagne, rendirent des gémissements. Le vent plia les cimes des arbres, et la nue déchirée lança un tonnerre, mais Satan ne vint pas. Le comte se dit « Satan a peur de moi. »

Il lacéra les pages de son livre et les foula aux pieds ; il brisa la fiole contre un quartier de roc et reprit son épée. À ce moment, la lune blanche reparut dans l’azur du ciel et le comte Otto vit, sous le dernier arbre de la forêt, une femme endormie. Elle était si belle que le comte Otto sentit fléchir ses genoux. — Satan ne m’a pas répondu, pensa-t-il ; si je parlais à Dieu ?…

Il est dans Harz une grotte bénie ou saint Gunther a laissé ses os. Un ermite jeûnait et priait dans cette grotte, le cilice