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— Ah ! si seulement mon fils Auhry savait ainsi se porter avec grâce et plaire à tous.

Et messire Aubry était un peu comme sa mère : il ne voyait point de plus brillant modèle à imiter que ce bel Olivier, baron d’Harmoy.

Vers cinq heures après midi, les mille jeux qui animaient la plaine, au-dessous de la terrasse du Dayron, firent trêve. En revanche, les cuisines foraines poussèrent leurs fourneaux avec violence. Des flots de vapeur noire et grasse s’élevèrent de toutes parts. C’était l’instant de la réfection. Les belles dames rassemblées sur la terrasse, n’ayant point de flacons de sels pour combattre l’effrayante odeur de marmite qui se répandit dans les airs, furent obligées de lâcher pied et de se réfugier à l’intérieur des appartements.

On fit cercle. La collation fut servie.

Le baron d’Harmoy était resté seul sur la terrasse. Il songeait. Ses yeux demi-fermés noyaient leurs regards à l’horizon. Des paroles confuses venaient mourir sur ces lèvres, mais personne n’était là pour l’entendre murmurer.

— Berthe est plus belle ; Jeannine est plus jolie ; laquelle est la plus charmante ?

Autour de la collation, l’entretien allait au hasard et revenait toujours à ces mystères impénétrables des îles Chaussey. La troupe de l’Homme de Fer, avec sa bannière étincelante et sa devise si heureusement trouvée selon les règles de la galanterie chevaleresque, occupait tous les esprits. Chacun disait ce qu’il savait sur l’Ogre des Îles. Les légendes les plus singulières se croisaient.

Le jour baissait. Le crépuscule qui tombait produisait sur l’auditoire son effet ordinaire et mettait dans les poitrines une émotion vague. À mesure que l’obscurité augmentait, le cercle se serrait ; les voix devenaient plus sourdes. On frissonnait déjà, ce qui est bien aussi un plaisir.

Il y a quelqu’un ici, dit le seigneur du Dayron à demi-voix, quelqu’un qui en sait plus long que personne sur la retraite du comte Otto Béringhem.