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de plusieurs douzaines de trognons de pommes pour marquer la part qu’elle prenait à sa peine.

Ficr-a-Bras, indigné, s’assit dans la main du Jersiâs, et, du haut de cette tribune, il parla comme suit

— Manants, écoutez un gentilhomme ! (Tonnerre d’applaudissements. Ce bêta que voilà (il parlait du Jersiâs) ne demande pas mieux que de me manger, et moi je veux bien que le bêta me mange, mais tout cru… je n’ai pas de vocation pour le métier de gentilhomme rôti.

— Que veut-il dire ? se demandait-on dans la foule.

— Je veux dire, manants, répondit Fier-à-Bras, que ce triple mécréant de comte Otto a des hommes d’armes qui ne plaisantent pas.

— Et que nous fait cela ? sire Araignoire ?

— Cela fait, manants, que si nous représentons devant vous le mystère de l’Ogre des Îles dans son palais ténébreux, le comte Otto mettra le feu à notre théâtre. Il l’a promis.

Pensez-vous qu’on ait trouvé depuis lors, des titres de mélodrames beaucoup plus alléchants que celui-là ! La cohue qui avait l’eau à la bouche depuis le matin cria d’une seule voix en trépignant dans la poussière :

— Nous voulons voir cela ! nous voulons voir cela !

Le nain agita sa main avec dignité pour rétablir le silence. Puis il étendit ses doigts vers la rive normande. La foule, qui suivait chacun de ses gestes, tourna les yeux de ce côté. Tout le monde put voir, dans un nuage de poudre, le long des bords du Couesnon, une troupe de cavaliers dont les armes étincelaient au soleil. Ils marchaient sous une bannière rouge, pailletée d’argent.

Des murmures se croisèrent, des murmures d’étonnement et d’effroi

Le comte Otto ! l’Homme de Fer ! l’Ogre des Îles !