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était fauve, avec une croix blanche entre les deux oreilles la levrette était noire, sans tache ; elle avait un père illustre, Maître-Loys, lévrier noir du pays de Saint-Brieuc, qui avait fait autrefois l’admiration de la cour de Bretagne. Les deux autres spectateurs, ou mieux spectatrices, n’étaient point sur l’esplanade. À la façade du château qui regardait cette partie du tertre et que le soleil ne frappait point encore, on voyait deux fenêtres ouvertes. À chacune de ces fenêtres une femme se tenait.

La posture d’une femme n’est jamais un détail indifférent. C’est en général quelque chose d’éloquent, à ce point que dix pages d’explications n’en pourraient dire si long qu’un simple croquis. La première et la plus âgée de ces femmes était franchement accoudée sur le petit balcon de fer qui défendait la croisée principale ; celle-là n’avait rien à cacher. Mais l’autre femme, femme tout au plus, enfant plutôt, et jolie se reculait dans l’ombre de son embrasure et donnait toute son attention à une belle broderie de liane à fils d’or, qu’elle avait sur le métier.

La dame du balcon était jeune encore et charmante un visage doux, fier et mélancolique ; mais les cheveux abondants qui tombaient en bandeaux remiés à la berthe, le long de ses joues un peu amaigries, étaient tout blancs. On disait que les beaux cheveux de madame Reine avaient ainsi blanchi en une seule nuit, la nuit où elle reçut la nouvelle de la mort de messire Aubry de Kergariou, son chevalier.

La jeune fille à la broderie avait au contraire des cheveux de jais sur un front blanc comme le col des cygnes.

Madame Reine contemplait l’adolescent de tous ses yeux et souriait de ce sourire à la fois triste et heureux des mères veuves.

Jeannine, la gentille brunette s’occupait bien sagement de sa broderie, et c’était d’un œil sournois et malin qu’elle regardait le bel adolescent chevauchant sur la pelouse.