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A LA PLUS BELLE

lèvre s’ombrageait à peine de ce duvet follet, précurseur de la moustache.

L’adolescent était gracieux de visage et de corps. Sa taille souple et un peu frêle ondulait aux bonds du généreux cheval de guerre qu’il montait. Il portait déjà l’armure comme il faut ; des bords de son casque s’échappait une abondante chevelure brune à reflets châtains ; ses grands yeux bleus pétillaient d’audace et de gaieté.

L’homme d’armes qui semblait diriger ses exercices était remarquablement beau ; il paraissait avoir trente et quelques années ; son teint était brun, ses cheveux blonds, presque aussi épais que ceux de l’enfant, se frisaient en boucles plus courtes. Une moustache blonde aussi et fine comme de la soie rabattait ses deux longues mèches en passant par-dessus la mentonnière du casque.

Quand l’or efféminé de ces molles chevelures encadre un visage mâle bruni par le soleil des batailles, c’est un effet imprévu, un contraste étrange : cela produit une beauté riche et fière qui fait rêver aux récits chevaleresques. Grave et un peu triste qu’elle était, la figure de l’homme d’armes exprimait une franchise naïve, une bonté sans bornes et cette simplicité loyale qui accompagne, bien plutôt qu’elle n’exclut la véritable intelligence.

Il était plus grand que l’adolescent. Sous l’armure, tous ses mouvements avaient une si merveilleuse aisance, que le fer de ses brassards semblait élastique et doux comme la moelleuse étoffe du vêtement des châtelaines. Il s’asseyait d’aplomb sur son robuste cheval, trouvant la grâce sans la chercher, et offrant à son insu, peut-être, le plus admirable type de ces superbes combattants que le canon naissant et déjà vainqueur allait réduire à l’impuissance.

Les exercices de l’adolescent et de l’homme d’armes avaient deux spectateurs, quatre spectateurs, dirions-nous, s’il est permis d’appliquer ce substantif à de nobles animaux comme Ferragus et Dame-Loyse, lévriers de race.

Ferragus et Dame-Loyse gambadaient sur le tertre, le lévrier