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XVI


LA CAVALCADE


Et pauvre Jeannine aussi car elle souffrait cruellement de ce qui peut-être eût fait la joie d’une autre jeune fille. Elle avait accompli son sacrifice sérieusement et résolument. Cette journée rouvrait la plaie vive de son cœur.

Il n’y avait pas bien longtemps que Jeannine s’était interrogée au-dedans de son âme. Il avait fallu pour cela les regards soupçonneux de madame Reine, sa rudesse succédant à la bienveillante affection, ses demi-mots cruels, tout ce changement enfin qui s’était opéré en elle et que Jeannine n’avait pu manquer de constater.

Jeannine avait pour madame Reine le respect le plus profond, la tendresse la plus dévouée. Elle se demanda un jour pourquoi madame Reine avait ainsi changé. Hélas ! la réponse ne se fit pas attendre. Aubry était fils d’un chevalier ; Aubry était héritier de trois domaines ; Aubry avait devant lui tout un noble avenir.

Et le père de Jeannine n’était qu’un pauvre écuyer.

Ne vous étonnez plus si l’espiègle enfant est devenue en si peu de temps une jeune fille mélancolique et grave.

Le soir même de ce jour, où ses yeux s’étaient ouverts, Jeannine avait quitté le manoir.

Dans cette humble boutique de la rue Miracle, où dame