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— C’est juste ! interrompit Berthe ; il te faut à présent des motifs pour me venir voir !

— Mon père m’a écrit et m’a chargée de vous dire que messire Aubry sollicite la faveur de vous accompagner à l’assemblée de Pontorson, qui sera suivie de belles joutes sur la rive normande, en l’honneur des nouveaux chevaliers de Saint-Michel.

— Le visage de Berthe s’éclaira.

— Certes, certes s’écria-t-elle, sans prendre souci de dissimuler sa joie ; alors, il va venir ?

— Dans une heure, répliqua Jeannine, messire Aubry sera ici avec sa suite.

— Et tu ne parlais pas, Jeannine ! Dans une heure !

Elle se leva toute souriante.

— Javotte ! Javotte ! appela-t-elle ; ici ! vite ! vite !

— Mon Dieu ; reprit-elle en se regardant, comme me voila faite ! je ne sais pourquoi l’on me coiffe ainsi ! Javotte ! Javotte !

Javotte se montra sur le seuil.

— Mais viens donc, ma mie ! dit Berthe d’un ton grondeur et affairé ; tu vois bien qu’il me faut faire un peu de toilette !

Javotte fixa sur elle ses gros yeux stupéfaits.

— Mi Jésus ! murmura-t-elle, nous venons d’y passer deux bonnes heures !

— Regarde ! continuait Berthe cependant : regarde si cela ne donne pas compassion ! Mon corsage fait un pli mal gracieux au beau milieu de ma poitrine ! et ne mettrait-on pas le poing dans ma ceinture ? Ah ! Seigneur ! Seigneur ! que je suis abandonnée ! N’as-tu pas honte, Javotte, de me laisser aux bras ces festons surannés ? La mode en était sous le feu duc ! et mes cheveux ! ne dirait-on pas que tu as cru coiffer Mme ma chère tante ?… Vraiment, moi je t’admire, Javotte ! tu restes là, tu ne dis rien… Penses-tu que ce soit à toi que je parle ?

— Ah ! dame ! ah ! dame ! fit Javotte suffoquée ; mi Jésus ! faut pas mentir, qué qui vous a mordue, not’ demoiselle ?

Elle ne savait positivement point d’où lui tombait cette averse de reproches. Son regard courroucé se tourna vers