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A LA PLUS BELLE

Le duc de Bourgogne était un prince de méchante humeur, qui rendait trois coups de massue pour un coup de gaule : Louis XI le laissa de côté jusqu’à voir ; François de Bretagne, au contraire, avait un tempérament pacifique, Louis XI se tourna un matin vers le Mont Saint-Michel, cette abbaye forteresse qui domine la côte de Bretagne ; il se souvint à propos d’une grande dévotion qu’il gardait depuis son enfance à l’archange vainqueur du dragon, et d’un vœu qu’il avait pu faire autrefois.

Il dit à maître le Dain, son barbier, au château du Plessis, où il faisait sa résidence

– Je partirai demain pour le pays normand. La renommée affirme qu’on voit chaque année cent mille pèlerins agenouillés devant l’image de saint Michel archange ; le roi de France en veut grossir le nombre.

Le roi de France voulait surtout regarder de plus près la Bretagne. Le roi de France avait aussi l’idée de placer sous l’invocation de saint Michel son nouvel ordre de chevalerie, une machine de guerre qu’il avait inventée pour serrer le mors aux vassaux trop fougueux.

Laissons le roi Louis XI quitter les bords enchantés de la Loire et chevaucher le long des guérets normands. Allons l’attendre en Bretagne, en ce bon manoir du Roz, qui avait une si belle vue et qui faisait face au mont Saint-Michel.

C’était au mois d’août. Le cadran solaire aux lignes presque effacées, qui présentait son triangle pointu au midi du manoir, marquait dix heures. Au beau milieu de l’esplanade se dressait une quintaine ou mannequin de bois, tournant sur un pivot. Cette quintaine figurait grossièrement un Anglais qui tenait à la main un fort bâton de cormier. Le bois du mannequin était lourd et massif ; le pivot, fraîchement huilé, jouait le mieux du monde, en sorte que le moindre effort faisait tourner la quintaine, qui lançait à l’aveugle de beaux coups de bâton.

Deux cavaliers étaient là qui s’escrimaient contre elle : un soldat qui avait atteint l’âge viril, et un adolescent dont la