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— Àvant-hier, dit-elle, en m’éveillant, j’en ai trouvé un tout pareil à mon chevet.

— C’est à mon chevet, avant-hier, en m’éveillant, que j’ai trouvé celui-là, murmura Jeannine.

Il y eut un silence.

Les deux jeunes filles se regardaient, également étonnées.

— Et… articula Berthe avec effort, l’as-tu vu ?

Cette question choquait toutes les règles de la grammaire. En bonne syntaxe, l’article le devait se rapporter au médaillon, et pourtant il ne s’agissait plus du tout du médaillon.

Jeannine n’eût pas été femme si elle eût pris le change. Elle répondit sans hésiter

— Je l’ai vu.

— Comment est-il ? demanda Berthe.

— Il est beau… plus beau que pas un de nos jeunes gens.

— C’est vrai, murmura Berthe comme en se parlant à elle-même ; Aubry lui-même est moins beau que lui.

— Oh ! fit Jeannine vivement, ce n’est pas la même chose !

Et se reprenant aussitôt, elle ajouta :

— Je veux dire qu’ils ne sont pas du même âge. Celui dont nous parlons a bien vingt-six ou vingt-sept ans à peu près.

— Il est blanc de teint, n’est-ce pas, comme un enfant ou une femme, et si pâle…

— Oh ! si pâle qu’on dirait un mort de marbre sculpté sur une tombe !

— Oui… et pourtant chacun de ses mouvements décèle la vigueur.

C’était Jeannine qui disait cela.

Berthe reprit :

— La première fois que je le vis, moi, c’était en la cathédrale. Il était adossé contre le second pilier de la nef, à gauche, et un rayon bleu tombait du vitrail qui fait la robe de la Vierge, sur son front triste. Je ne sais pourquoi mon cœur eut le frisson. Il vint du froid jusqu’en mes veines !

— Moi, répliqua Jeanmne, je l’aperçus à la chapelle Saint-Jean. C’était le soir au salut. Il s’appuyait contre la statue de