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le plus étonnant, le voilà, sûrement quand ils ont eu bien chanté, les sept cavaliers ont redescendu la rue et Renot les a encore suivis de loin. Pauvre créature ! de temps en temps il buvait un coup à sa gourde pour se donner un peu de cœur. Les sept cavaliers allaient, allaient. Jamais la ville n’avait semblé si grande au pauvre Renot. Il eût donné sa paye d’une semaine pour un rayon de lune. Mais la lune ne brillait point. Et devers la porte Saint-Sauveur, les sept cavaliers entrèrent en terre et disparurent comme autant de fantômes.

Javotte se tut. Elle n’avait pas tout dit cependant, car elle regardait sa maîtresse d’un air malin, et tenait ses doigts sous la bure de son corsage.

Berthe rêvait.

— Notre demoiselle, poursuivit Javotte, que pensez-vous de tout cela ?

— Je pense, répliqua Berthe, que le vieux Renot avait eu trop souvent recours à sa gourde pour se donner du cœur, et qu’il t’a conté un rêve, ma fille.

Javotte s’attendait à cette réponse, car elle sourit et tira de son sein l’objet qu’elle y caressait depuis quelques secondes.

C’était un ruban de soie, crépi d’or, au milieu duquel des perles montées traçaient une ligne de caractères. Et ça, dit-elle, est-ce un rêve ?

Berthe jeta les yeux sur le ruban et lut : À la plus belle !

Comme elle gardait le silence, Javotte poursuivit encore d’un accent de triomphe.

— Je vous le dis, cette incomparable galanterie est pour vous, pour moi ou pour la petite Jeannine !

Et certes l’inflexion de voix qu’elle prenait pour prononcer le nom de la petite Jeannine ne laissait rien à désirer. Javotte savait garder son rang.

Un page mignon entr’ouvrit la porte qui donnait sur la terrasse.

— La fillette de chez la Le Priol demande à vous entretenir, demoiselle, dit-il.

— Oh ! oh ! fit Javotte, quand on parle du loup…