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— Ah ! fit Berthe involontairement.

— Je savais bien que cela allait vous divertir ! s’écria Javotte. Et, s’il vous plaît, dans quel endroit de la rue croyez-vous qu’ils se sont arrêtés ? Dites-le, si vous le savez. Se sont-ils arrêtés devant l’hôtel de Coëtivy ? Non point ! Se sont-ils arrêtés en face du logis de maître Postel, le prévôt, dont la fille fait si bellement la demoiselle ? Ah ! non vraiment je vous le promets bien ! Se sont-ils arrêtés, les mécréants maudits, sous les fenêtres du baron de Trégoat, dont la nièce relève son voile chaque fois qu’il passe une paire de guêtres ? Que non ! que non ! certes, certes ! Non plus auprès du portail de l’hôtel de Combourg. Alors où donc ? C’est moi qui vais vous l’apprendre. Ils se sont arrêtés sous votre balcon, demoiselle Berthe de Maurever.

— Sous mon balcon répéta la jeune fille dont les sourcils délicats se froncèrent.

— Renot les a vus et Renot me l’a dit ;… mais je voulais vous demander cela : n’avez-vous point ouï leurs chansons ?

Berthe tourna la tête et répondit par un non à peine intelligible.

— C’est que les rideaux de votre alcôve sont épais, reprit Javotte, et les volets de la croisée en bon bois. Mais ils ont chanté, mi Jésus ! ils ont chanté ! Et l’Homme de Fer a une belle voix bien douce, au dire du vieux Renot. Est-ce drôle ? Oui, oui, c’est drôle. Trouvez plus drôle ! Ce qu’ils chantaient, Renot ne le comprenait point ; car c’était de l’étranger. Mais, à la fin des fins, l’Homme de Fer a pris une viole pour roucouler un tenson en français, et le refrain du tenson était : À la plus belle ! vrai comme j’ai reçu le saint baptême. Voyant quoi, le vieux Renot s’est bien douté qu’il s’agissait de vous.

— Tu es folle, Javotte 1 dit Berthe qui, cette fois, rougit tout de bon.

— Folle ! se récria la camériste. Mi Jésus ! l’Homme de Fer était en plein sous le lampion qui brûle en l’honneur de Mme  sainte Anne. À cet endroit, c’est certain, on ne peut s’adresser qu’à vous, qu’à la petite Jeannine ou à moi… Mais