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A LA PLUS BELLE

autre pente ondule au loin et va rejoindre le marais de Dol, au-dessus de la mare Saint-Coulman.

Au XVe siècle, depuis le sommet de la montagne jusqu’au pays plat, c’était comme une forêt, tant les arbres de haute venue abondaient alentour. Le manoir s’élevait au centre d’une esplanade découverte, terrain de lande, formant une pelouse maigre et rase comme une tapis.

Le manoir était une grande maison de structure irrégulière, basse d’étage, avec des toits énormes. Le corps de logis se flanquait de deux ailes inégales, dont l’angle rentrant était armé de deux tourillons symétriques, placés comme des gonds à l’articulation d’une porte. Trois autres petites tours, une à droite, deux à gauche, terminaient la saillie des ailes.

Cette disposition pittoresque et en quelque sorte fanfaronne, exagérait, de loin, l’importance du manoir du Roz, et lui donnait une physionomie de place forte. Mais, en réalité, à part les murs de la cour et les meurtrières de parades percées aux flancs des tourillons, il n’y avait aucun moyen de défense. L’esplanade, presque circulaire, était fermée par une haie de houx taillés qui valait trois fois la meilleure des grilles. Elle s’étendait surtout vers le nord, où son plan fléchissait en une sorte de ravin pierreux et nu.

De ce côté, au-delà de houx robustes qui formaient la haie centenaire, c’était un pêle-mêle d’arbres de toute taille et de toutes essences, venus là comme le hasard les avait semés. Le pin agitait ses branches poilues au vent vif de la rivière, entre les chênes tordus et les magnifiques châtaigniers. Le hêtre arrondissait ses attaches fermes, dont les contours réveillent l’idée de la beauté humaine, parmi les troncs flexibles des frênes. L’écorce blanche des bouleaux tranchait çà et là dans l’ombre. Le tremble frissonnait comme un vieillard frileux dont les cheveux grisonnent. Le charme au feuillage opulent cachait ses branches cagneuses sous sa verdure et jetait un brillant manteau de feuillée sous ses pousses difformes. Tout cela était riche, vigoureux, prodigue.

En tournant vers l’est, on trouvait des guérets qui descend-