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— J’en étais.

— Vous êtes fidèlement attaché à votre seigneur le duc François de Bretagne ?

— Si vous ne veniez de la part d’un vieil ami, mon camarade, je ne vous permettrais pas cette question-là.

— À la bonne heure ! s’écria Gillot qui s’essayait à prendre des allures de bonne brusquerie ; à la bonne heure ! Eh bien ! maître Jeannin, je crois que nous allons nous entendre ! Le vieux Bruno savait que j’avais dans la main une entreprise à gagner de l’honneur et de l’argent. Il est descendu de son donjon, jusqu’au quartier des serviteurs du roi, desquels je suis, et m’a dit : S’il vous faut un homme brave, sûr, fort, intelligent, dévoué, prenez Jeannin.

— Sauf la finesse, dit le bon écuyer, simplement, je crois avoir, en effet, toutes ces qualités-là. Mais à quoi vous peuvent-elles présentement servir, mon camarade ?

Gillot baissa la voix.

— Je suis Olivier le Dain, barbier du roi, dit-il.

Jeannin releva sur lui ses grands yeux bleus pleins de franchise et ne cacha point son étonnement.

— Tiens ! tiens ! faisait le nain dans son armoire.

Olivier le Dain était aussi connu que son maître Louis XI, le souverain le plus populaire qui fût alors au monde.

— Ah ! dit le bon écuyer, vous êtes Olivier le Dain ? Peste ! je n’ai point été accoutumé à voir de si près de grands personnages, et j’aimerais mieux, s’il faut le dire, un autre compagnon… Mais parlez, maître Olivier ; peut-être voulez-vous faire le bien une fois en votre vie. Je vous écoute.

Pierre Gillot souriait et jouait avec la chaîne d’orfèvrerie qui soutenait sans doute sa boîte à rasoirs.

— Je vois, reprit-il, que ma réputation ne vaut pas grand’chose de ce côté-ci du Couësnon. Mais j’ai le cœur humble et ne me soucie point des méchants propos. Maître Jeannin, je viens vous apporter la fortune.

— Depuis une minute, Jeannin se doutait de ce qu’on allait lui proposer. Il s’en doutait à cause du choix qu’on avait fait